Méthode des carrés de Gauss

La méthode des carrés de Gauss est un algorithme qui permet d’écrire une forme quadratique en somme de carrés de formes linéaires indépendantes. Cela permet notamment de diagonaliser les formes bilinéaires symétriques.
Méthode des carrés de Gauss

Prérequis

Définitions

Une forme bilinéaire sur un espace vectoriel E est une application \varphi : E \times E \longrightarrow \mathbb{K} linéaire en chacun de ses arguments. De plus, elle est dite symétrique si \forall x,y \in E, \varphi(x,y) = \varphi(y,x) .

La matrice (\varphi(e_i,e_j))_{1 \leq i,j \leq n} s’appelle matrice de la forme bilinéaire \varphi dans la base (e_i)_{1 \leq i \leq n} de E .

Si on note a_{ij} = \varphi(e_i,e_j) , on obtient facilement en utilisant la bilinéarié de \varphi : pour tout x,y \in E, \varphi(x,y) \sum_{1 \leq i,j \leq n} a_{ij} x_i y_j , où x_i, y_j sont les coordonnées des vecteurs x, y dans la base (e_i)_{1 \leq i \leq n} .

Une fonction q : E \longrightarrow \mathbb{K} s’appelle forme quadratique si \forall \lambda \in \mathbb{K}, \forall x \in E, q(\lambda x) = \lambda^2 q(x) et b_q(x,y) = \frac{1}{2} (q(x+y)-q(x)-q(y)) est une forme bilinéaire. On appelle alors cette dernière forme bilinéaire symétrique associée à q .

Pour \varphi forme bilinéaire symétrique sur E , on appelle forme quadratique associée à \varphi l’application q(x) := \varphi(x,x) .

La matrice d’une forme quadratique q est la matrice de la forme bilinéaire symétrique associée à q . Soit \Epsilon une base, et M = (a_{ij})_{1 \leq i,j \leq n} la matrice de q dans cette base, alors q(x) =\displaystyle \sum_{1 \leq i,j\leq n} a_{ij}x_i x_j = \sum_{i=1}^n a_{ii}x_i^2 + 2 \sum_{1 \leq i <j \leq n } a_{ij}x_i x_j .

Diagonalisation des formes quadratiques

Théorème : Soit E un \mathbb{K} espace vectoriel de dimension finie. Alors toute forme quadratique (ou forme bilinéaire symétrique) sur E est diagonalisable.

Via la méthode de Gauss, on va pouvoir prouver ce théorème.

On choisit une base quelconque b_1, \dots, b_n de E , ce qui nous fournit donc n fonctions coordonnées :

x = \sum_{k=1}^n x_k b_k \xrightarrow{b_i^*} x_i

que l’on note par abus de notation simplement x_i . Ainsi toute forme quadratique s’écrit comme polynôme homogène de degré 2 en les x_i :

q : \sum_{i=1}^n x_i b_i \mapsto \sum_{1 \leq i,j \leq n} a_{ij} x_i x_j

Ou encore :

q = \sum_{1 \leq i,j \leq n} a_{ij} b_i^* b_j^*

Démonstration de la méthode de Gauss

On va démontrer la décomposition en carrés de Gauss par récurrence sur p=1,\dots,n .

(HR) Soient f_1, \dots, f_p \in E^* linéairement indépendant, et h = \sum_{1 \leq i,j \leq n} a_{ij} f_i f_j une forme quadratique sur E . Alors il existe l_1,\dots l_p \in Vect(f_1,\dots,f_p) et \lambda_1,\dots, \lambda_p \in \mathbb{K} tels que l_1,\dots,l_p sont linéairements indépendants et h = \lambda_1 l_1 + \dots + \lambda_p l_p .

Soit p=1 . On a h = a_{11}f_1^2 , donc on a la forme souhaitée. Distinguons à présent deux cas.

Premier cas : Supposons qu’il existe i \in \{1,\dots,p\} tel que a_{ii} \neq 0 . Quitte à permuter les f_i , on peut supposer que i = 1 . Alors :

\begin{align*}
h  &= a_{11}f_1^2 + 2 a_{12}f_1f_2 + \dots + 2 a_{1p}f_1f_p + \sum_{2\leq i,j \leq p} a_{ij}f_if_j \\
 &= a_{11}(f_1^2+2\frac{a_{12}}{a_{11}}f_1f_2 + \dots 2\frac{a_{1p}}{a_{11}}f_1f_p) + \sum_{2\leq i,j \leq p} a_{ij}f_if_j
\end{align*}

On pose l_1 = f_1^2+ a_{12}f_1f_2 + \dots + a_{1p}f_1f_p . On a ainsi :

\begin{align*}
h &= a_{11}l_1^2 - \frac{a_{12}^2}{a_{11}}f_2^2 - \dots - \frac{a_{1p}^2}{a_{11}}f_p^2 - 2\sum_{2 \leq i,j\leq p} \frac{a_{1i}a_{1j}}{a_{11}}f_if_j + \sum_{2 \leq i,j \leq p}a_{ij}f_if_j \\
&= a_{11}l_1^2 + \sum_{2\leq i,j\leq p} a'_{ij}f_if_j
\end{align*}

a'_{ij} = a_{ij} - \frac{a_{1i}a_{1j}}{a_{11}} .

Finalement, h = a_{11}l_1^2 + h' h' est un polynôme quadratique homogène en p-1 formes linéaires indépendantes f_2, _dots, f_p . On applique donc l’hypothèse de récurrence à h' , et on a ainsi montré la décomposition pour h .

Deuxième cas : Pour tout i \in \{1,\dots,p\}, a_{ii} = 0 . Si tous les a_{ij} sont nuls, alors h=0 et il n’y a rien à montrer.

Supposons qu’il existe une paire (i,j), i \neq j, 1 \leq i,j \leq p telle que a_{ij} \neq 0 . Quitte à permuter les f_k , on peut supposer i=1, j=2 . On pose f'_1 = f_1 +f_2, f'_2 = f_1-f_2 . On obtient alors une forme :

h' = \sum_{1 \leq i,j \leq p } a'_{ij}f'_if'_j

pour laquelle a'_{11} = 2a_{12} \neq 0 et a'_{22} = -a_{12} \neq 0 . On peut donc appliquer le premier cas à h' .

Signature d’une forme quadratique

Soit E un espace vectoriel muni d’une forme bilinéaire \varphi . Deux vecteurs x,y sont dits orthogonaux si \varphi(x,y)=0 .

Une base e_1,\dots,e_n de E est dite orthogonale si l’une des conditions équivalentes est vérifiée : e_i \perp e_j, i \neq j \Longleftrightarrow la matrice de la forme dans la base est diagonale.

Théorème : Soit q : E \longrightarrow \mathbb{R} une forme quadratique. Alors il existe un unique p \in \mathbb{N} tel que q s’écrit dans une base convenable par la matrice diagonale suivante :

\begin{pmatrix}
I_p & 0 & 0 \\
0 & -I_q & 0 \\
0 & 0 &0
\end{pmatrix}

Preuve : Par le théorème de diagonalisation des formes quadratiques, il existe une base orthogonale e_1,\dots,e_n telle que q(e_i)= \lambda_i . On peut ordonner les vecteurs de la base de telle façon que \lambda_i >0 pour i \in \{1,\dots,p\} , \lambda_i <0 pour i \in \{p+1,\dots,p+q\} , et \lambda_i = 0 pour i \in \{p+q+1,\dots,n\} . Alors, la matrice de q acquiert la forme souhaitée dans la base :

(\frac{1}{\sqrt{\lambda_1}}e_1, \dots, \frac{1}{\sqrt{\lambda_p}}e_p,\frac{1}{\sqrt{-\lambda_{p+1}}}e_{p+1},\dots,\frac{1}{\sqrt{-\lambda_{p+q}}}e_{p+q},e_{p+q+1},\dots,e_n)

La paire (p,q) s’appelle signature de q . C’est l’invariant classifiant les formes quadratiques sur un espace vectoriel réel de dimension donnée n .

Exercice

Enoncé

Décomposer en somme de carrés les formes quadratiques suivantes, déterminer leur rang et signature.

\begin{align*}
q(x,y,z) &= x^2 + y^2 + z^2 - 4xy -4yz -4zx \\
q(x,y,z) &= 2x^2+6y^2-4xy+8xz \\
q(x,y,z) & = xy + yz + 2zx

\end{align*}

Corrigé de l’exercice

\begin{align*}
x^2+y^2+z^2-4xy-4yz-4xz & = (x^2-4xy-4xz)+y^2+z^2-4yz \\
& = (x-2(y+z))^2 -4(y+z)^2+y^2+z^2-4yz \\
& = (x-2(y+z))^2 -3y^2-3z^2-12yz \\
& = (x-2(y+z))^2 -3(y^2+4yz) -3z^2 \\
& = (x-2(y+z))^2 -3(y+2z)^2+3(2z)^2-3z^2\\
& = (x-2(y+z))^2 -3(y+2z)^2 +9z^2
\end{align*}

La matrice de cette forme dans une base orthogonale est :

\begin{pmatrix}
1&0&0\\
0&-3&0\\
0&0&9
\end{pmatrix}

La signature de q est (2,1), son rang est 3.

\begin{align*}
2x^2+6y^2-4xy+8xz & = 2(x^2-2xy+4xz) +6y^2 \\
& = 2(x-(y-2z))^2 -2(y-2z)^2+6y^2 \\
& = 2(x-(y-2z))^2 -2y^2+8yz-8z^2+6y^2 \\
& = 2(x-(y-2z))^2 +4y^2+8yz-8z^2 \\
& = 2(x-(y-2z))^2 +4(y^2+2yz)-8z^2 \\
& = 2(x-(y-2z))^2 +4(y+z)^2-4z^2-8z^2 \\
& = 2(x-(y-2z))^2 +4(y+z)^2 -12z^2
\end{align*}

La matrice de cette forme dans une base orthogonale est :

\begin{pmatrix}
2&0&0\\
0&4&0\\
0&0&-12
\end{pmatrix}

La signature de q est (2,1), son rang est 3.

\begin{align*}
xy+yz+2xz & = (x+z)(y+2z)-2z^2 \\
& = \frac{1}{4}\Big(((x+z)+(y+2z))^2-(x+z)-(y+2z))^2\Big)-2z^2 \\
& = \frac{1}{4}\Big((x+y+3z)^2-(x-y-z)^2\Big)-2z^2
\end{align*}

La matrice de cette forme dans une base orthogonale est :

\begin{pmatrix}
\frac{1}{4}&0&0\\
0&\frac{-1}{4}&0\\
0&0&-2
\end{pmatrix}

La signature de q est (1,2), son rang est 3.

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